Daniel Mallo, Armelle Tardiveau
& Abigail Schoneboom

Démêler le projet vivant: l’enchevêtrement des pédagogies architecturales dans la société civile

ABSTRACT

L’implication d’étudiants en architecture et urbanisme dans des projets d’interventions urbaines et d’engagement au delà de l’atelier a gagné du terrain au cours des deux dernières décennies dans les disciplines artistiques et architecturales (Bishop 2012, Watt et Cottrell 2006, Live Projects sans date). Pourtant, une grande partie de cette pratique et de sa théorisation se concentre sur l’apprentissage des étudiants et l’innovation des programmes, avec une bien moindre attention portée sur l’expérience et l’apprentissage de la société civile engagée sur de tels projets collaboratifs.

Basé sur la propre pédagogie architecturale des auteurs, cet article invite à une réflexion de manière critique sur les frontières floues entre les étudiants et la société civile, plaidant pour la nécessité de reconnaître et de dessiner le processus d’apprentissage et de partage entre tous les acteurs réunis par la pédagogie architecturale et de l’engagement. Situé dans les traditions de l’urbanisme temporaire, de la recherche-action et de l’activisme du design urbain, le studio devient un « champ » d’expérimentation matérielle et sociale ainsi que d’innovation méthodologique où les participants interprètent (Rancière 2009) et puisent dans leur expérience issue de la création, du partage, de l’apprentissage et de la conception de futurs imaginaires.

Cet article encadre la conception du projet d’intervention urbaine comme un espace riche où s’enchevêtrement les connaissances des étudiants, éducateurs et de la société civile. L’argument est soutenu par des principes de pédagogie critique (Freire 1970) et une revendication d’égalité (Rancière 1991) dans le cadre d’un processus dialogique d’apprentissage. Le fait de situer le studio sur le terrain crée le contexte d’un processus propice à apprentissage mutuel où tous les participants (étudiants, communauté, éducateurs/animateurs) deviennent des apprenants dans le cadre d’une « communauté de praticiens, de makers » ; les individus contribuent par leur compétence et leur connaissance de ce qu’ils font et savent faire (Wenger 1999). Un tel engagement dans le monde réel offre le contexte non seulement de la pratique des compétences spécifiques à la discipline, mais, plus important encore, intègre les étudiants en tant que membres de la société civile, favorisant ainsi un sentiment d’empowerment et de citoyenneté partagée pour tous les acteurs engagés.

Références

Bishop, C., 2012. Artificial hells: Participatory art and the politics of spectatorship. London: Verso Books.
Freire, P., 1970. Pedagogy of the oppressed. New York: Continuum.
Live Projects, School of Architecture at the University of Sheffield, no date. Available at: http://www.liveprojects.org/ (Accessed 15 May 2021)
Watt, K. and Cottrell, D., 2006. Grounding the curriculum: learning from live projects in architectural education. International Journal of Learning, 13, pp.97-104.
Rancière, J., 1991. The ignorant schoolmaster. Stanford, CA: Stanford University Press.
Rancière, J., 2009. The Emancipated Spectator. London and New York: Verso
Wenger, E., 1999. Communities of practice: Learning, meaning, and identity. Cambridge: Cambridge University Press.

BIOGRAPHIES

DANIEL MALLO

Est un architecte qualifié qui a acquis une expérience pratique en Espagne, au Royaume-Uni et en Suisse. Il est passé au monde universitaire pour rejoindre l’université de Newcastle en tant que maître de conférences en architecture. Ses recherches portent sur les pratiques spatiales socialement engagées et l’activisme en matière de design. Ces dernières années, Daniel a dirigé des projets participatifs au Royaume-Uni et en Europe avec des institutions telles que la KU Leuven (Belgique), Creative Partnerships, ainsi que des projets financés par l’ESRC au Royaume-Uni. L’approche pédagogique de Daniel est étroitement liée à ses propres recherches pratiques.

ARMELLE TARDIVEAU

Originaire de France, Armelle Tardiveau est maître de conférences en architecture et directrice du programme d’architecture et d’urbanisme de l’université de Newcastle. Armelle est une praticienne du design, une éducatrice et une chercheuse dans les disciplines de l’architecture et du design urbain. Ses recherches interdisciplinaires, auxquelles participent des artistes, des architectes paysagistes et des ethnographes, ont permis de mettre au point des méthodes de conception créatives et des interventions spatiales militantes pour déclencher des processus de changement et de coproduction dans le domaine public.

ABIGAIL SCHONEBOOM

Est une ethnographe avec une formation en sociologie et en ingénierie. En tant qu’associée de recherche à l’école d’architecture, de planification et de paysage de l’université de Newcastle, elle s’intéresse à la relation entre les pratiques créatives urbaines et la conscience critique, en se concentrant sur le lien entre les humains et la nature. Sa philosophie d’enseignement est fondée sur le souci d’aider les étudiants à établir des connexions critiques, en prenant conscience de leur capacité à créer une transformation sociale.